Le roi Charles IX et sa cour à Buzet

Le 1er août 1565, le roi de France Charles IX dîne et dort au château de Buzet. Ce n’est qu’une seule nuit, mais celle-ci a marqué l’histoire du château. Il faut dire que les séjours des rois en Gascogne, région périphérique, sont rares. Les souverains ne s’y rendent en général que pour traiter directement avec le roi d’Espagne tout au mieux une fois par génération. En 1565, lors du passage de Charles IX, on n’avait plus vu de roi au sud de la Garonne depuis François Ier en 1526, qui s’était pressé sur le chemin de Bayonne à Bordeaux pour rejoindre le nord de la France à son retour de captivité d’Espagne après la bataille de Pavie. Pour Buzet, il s’agit tout simplement de la première (et de la dernière) visite d’un roi de France.

A la fin du mois de juillet 1565, Charles IX, de retour de Bayonne, passe 4 jours à Nérac pour négocier avec Jeanne d’Albret, chef de file des protestants en cette époque de guerres de religion. Partant de Nérac, le roi compte traverser la Garonne à Aiguillon pour rejoindre ses domaines du nord de la France. C’est ce qui l’amène à Buzet, « petite ville et chasteau sus montaigne », comme le note Abel Jouan, qui fit le journal de ce voyage.

Au cours de son voyage de près de deux ans à travers la France, Charles IX ne voyageait pas seul, loin s’en faut. Autour de lui se trouvaient sa mère Catherine de Médicis, sa sœur Marguerite de Valois (la fameuse reine Margot de Dumas), et le futur Henri IV. Il y avait aussi la cour itinérante, qui suivait le roi de ville en ville : domestiques, gardes, clercs, chancellerie, secrétaires d’État, etc. Elle rassemblait 10 à 15 000 personnes, soit le double de la cour de Louis XIV à Versailles en 1690, et l’équivalent d’une grande ville française de l’époque. Ce n’est pas pour rien que les grandes villes constituaient l’essentiel des étapes du voyage du roi : il était bien plus simple d’y loger tous ces gens, et faire de la place pour leurs animaux. La seule écurie de la reine-mère comportait plus de 100 chevaux et mules ! Sans parler de la ménagerie du roi Charles IX, qui voyageait avec le souverain, avec ses 30 à 40 animaux, chiens mais aussi ours, lions et chameaux ! Même si ces milliers de gens ne voyageaient pas tous exactement au même rythme (certains suivaient le roi, d’autres le précédaient pour préparer son séjour), on imagine aisément que le passage, même un seul jour, d’une telle foule et du roi de France à Buzet, modeste village de quelques centaines d’âmes, ait durablement marqué les mémoires.

Malgré les coûts et les difficultés provoqués par une telle foule, les seigneurs et monastères se disputaient l’honneur de loger le roi. Les Grossolles, seigneurs de Buzet depuis le début du XVIe siècle et catholiques en terre protestante, furent donc très honorés de la visite du roi. Ce fut l’occasion d’une grande fête comme le château n’en connut plus jamais de pareille. Le roi prévenait en général une semaine à l’avance de son passage, pour qu’on prépare celle-ci. Fourriers, menuisiers et maîtres d’hôtels préparaient son passage. Même pour une seule nuit, le roi devait avoir un gîte aménagé : on refaisait portes et fenêtres, on aménageait les galeries et on fabriquait un escalier à degrés afin que le roi puisse aller et sortir de sa chambre sans passer par l’escalier de la demeure (question de sécurité en cette époque où plusieurs rois moururent assassinés). A Buzet comme partout où la place manquait, les gens de cour autres que les princes dorment sous tente ou bien cherchent des logis dans les environs. On a conservé le compte du festin que le roi fit au château de Buzet (Arch. Nat., KK53018, n°160) : il y eut notamment 55 barriques de vin, blanc ou clairet, dont on ne connaît hélas pas la provenance. Une fois le roi parti, il fallait encore plusieurs jours pour que les gens du roi rangent toutes les affaires et paient les factures. Ce 1er août 1565 à Buzet fut donc bien plus qu’une simple nuit.

Pierre Courroux

Université de Pau et des Pays de l’Adour